Il est bien établi que la médiation ne peut intervenir qu’avec l’accord des parties (cf. art. L. 213-1 cja) . Ce principe connaît cependant quelques exceptions. Celles-ci sont, en contentieux administratif, régies par les art. L.213-11 à L.213-14 et R.213-10 à R.213-13 cja.
L’origine de cette obligation de tentative de médiation, préalable à la saisine du juge administratif remonte à l’art. 5, IV de la L. n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 modifiée, aujourd'hui abrogée.
Ces dispositions organisaient, à titre expérimental un régime de médiations préalables obligatoires pour les recours contentieux formés par certains agents publics à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle et pour les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi.
Ces dispositions avaient été déclarées conformes à la Constitution ; cf. CC décisions n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016 et n° 2019-778 DC du 21 mars 2019.
Les médiations ainsi visées s’exercaient dans les conditions définies aux art. L.213-11 à L.213-14 cja et dans le cadre du D. 2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d'une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux, modifié par le D. n°2018-654 du 25 juillet 2018. (Sur le projet de ce décret, cf. l’avis du Conseil d’État, section de l’intérieur, n° 393898 du 23 janvier 2018.).
Ce mécanisme de médiation préalable s’imposait "avec un esprit et des modalités toutefois différentes de l’exigence de décision préalable" ainsi que le précise la rapporteure publique sous Communauté de communes du centre Corse (C.E. 27 avril 2021, n°448467) à propos, il est vrai, du "paysage juridique plus habituellement applicable aux personnes privées".
Le rapport du Conseil d’État mis en ligne le 2 septembre 2021 à propos de l’Expérimentation de la médiation préalable obligatoire : bilan et perspectives préconisait la pérennisation de la MPO et son extension géographique aux contentieux de la fonction publique de l’éducation nationale, aux contentieux de la fonction publique des collectivités locales et aux contentieux avec Pôle Emploi.
C’est ainsi que l’art.27 de L. n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire ajoute une section 4 au chapitre III du titre Ier du livre II de la partie législative du code de justice administrative. Le décret d’application est le D. n° 2022-433 du 25 mars 2022 relatif à la procédure de médiation préalable obligatoire applicable à certains litiges de la fonction publique et à certains litiges sociaux qui, ajoute une section 4 : « Médiation préalable obligatoire » au chapitre III du titre I° du livre II de la partie réglementaire du cja.
Cette procédure de médiation préalable obligatoire ne s’impose qu’à certains agents à l’occasion de querelles dirigées contre certaines décisions administratives.
Sept catégories de de décisions sont ainsi énumérées à l’art.2 D. n° 2022-433 du 25 mars 2022 précité.
Cette liste est limitative, elle ne vise que les recours tendant à l'annulation ou à la réformation de ces décisions et non ceux qui tendent à d’autres fins, par ex. à la condamnation d'une collectivité publique au paiement d'indemnités en réparation de préjudices (CAA Nantes, n°20NT01262, 23 octobre 2020.) Sur son étendue : TA Toulouse, 19 novembre 2021, n° 1905646.
En deuxième lieu, ce même décret (art 3) établi la liste des agents concernés par cette expérimentation. Il s’agit d‘une part de certains agents de la fonction publique d’État affectés au service public de l’enseignement
Il s’agit d’autre part des agents de la fonction publique territoriale employés dans les collectivités territoriales et leurs établissements publics ayant préalablement conclu, avec le centre de gestion de la fonction publique territoriale dont ils relèvent, une convention spécifique.
Application dans le temps : sont concernés les recours contentieux susceptibles d'être présentés à l'encontre des décisions intervenues à compter du 1er juillet 2022.
Quelque recours contentieux formés contre les décisions individuelles prises par Pôle emploi et relevant du champ de compétence du juge administratif sont soumis à cette procédure de médiation préalable obligatoire prévue par l'art. L.213-11 cja. L'art. R.5312-47 code du travail en dresse la liste (art.en vigueur à partir du 01 juillet 2022.)
1) Saisir le médiateur et non le tribunal
Le défaut de tentative de médiation est un des chefs d’irrecevabilité du recours contentieux ; encore que ce défaut ne soit pas absolument dirimant puisque le tribunal administratif directement saisi rejette la requête et transmet le dossier au médiateur compétent (art. R.213-12 cja). La date d'enregistrement de la requête est alors regardée comme la date de saisine du médiateur avec les conséquences les délais et les prescriptions ci dessous présentées.
a) Définir le médiateur compétent, encore que ses coordonnées devraient être connues dès la notification de la décision litigieuse ainsi qu’il sera dit ci-après :
- Agents de l'Éducation nationale : médiateur académique de l'Éducation nationale
- Agents de la fonction publique territoriale : Centre de gestion de la fonction publique territoriale, cf art. 25-2 L. n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction issue de L. n°2021-1729 du 22 décembre 2021.
- Demandeurs d'emploi : le médiateur régional de Pôle emploi territorialement compétent (art. R.5312-48 code du travail (art. en vigueur à partir du 01 juillet 2022))
b) Le saisir dans les délais : Pour assurer la recevabilité du recours contentieux la médiation doit être être engagée dans le délai de recours contentieux (art. R.213-10 cja). Il s’agit ici des délais de recours traités aux art. R.421-1 à R.421-7 cja.
... lorsque ce délai est opposable : à la charge de l’administration, la notification de sa décision ou l'accusé de réception prévu à l’art. L.112-3 du code des relations entre le public et l’administration (crpa) doit mentionner cette obligation et indiquer les coordonnées du médiateur compétent (art. R.213-10, 2°al. cja). Cette nécessaire information qui pèse sur l’administration est à rapprocher des dispositions de l’art. L.112-6 crpa et de l’art. R.421-5 cja. Il s’en suit que, les deux types d’infos pouvant se cumuler, l’administration doit être attentive à la rédaction de la notification de sa décision.
Il appartient donc au fonctionnaire ou à l’administré de saisir directement le médiateur compétent avant l’expiration de ce délai, lorsque celui-ci lui été rendu opposable.
2) La saisine du médiateur
Le médiateur compétent est saisi par lettre. Le dossier qui l’accompagne doit comporter une copie de la décision attaquée ou la preuve de la naissance d’une décision implicite (R.213-10 cja.).
Cette saisie est gratuite pour les parties, le coût de la médiation étant supporté exclusivement par l'administration qui a pris la décision attaquée (art. L.213-12 cja).
3) Les effets de la saisine
La saisine du médiateur dans ce cadre spécifique d’un préalable obligatoire entraine l’interruption du délai de recours contentieux et la suspension des délais de prescription (art. L.213-13 cja.) Ces délais recommencent à courir à partir de la date à laquelle, soit l'une des parties ou les 2, soit le médiateur déclarent, de façon non équivoque et par tout moyen, que la médiation est terminée. Sur l'étendue et les effets de la saisine d'un centre de gestion de la fonction publique territoriale d’une demande de médiation, cf. TA Toulouse, 19 novembre 2021, n°1905646
Un recours gracieux ou hiérarchique après l'organisation de la médiation n'interrompt pas de nouveau le délai de recours contentieux.
4) L'autorité administrative met fin à la procédure de médiation préalable obligatoire
L’acte par lequel une autorité administrative met fin à la procédure de médiation préalable obligatoire, en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux n’est pas une décision susceptible de recours. Le juge administratif regarde donc les concluions tendant à l’annulation de cet acte comme dirigée contre la décision initiale de l'autorité administrative, par ex. la radiation de la liste des bénéficiaires du revenu de solidarité active, ou, le cas échéant, la décision prise sur recours administratif préalable obligatoire. Cette manière du juge de rediriger utilement des conclusions doit amener l’auteur d’un recours de pouvoir a être attentif à chacun des moyens qu'il invoque. ( C.E. 2 octobre 2023, n°467834 - cet arrêt qui ne semble pas avoir été versé sur Ariane Web est disponible sur Légifrance.)
Le lecteur restera attentif à la circonstance que ces pages personnelles ne sont que le reflet de ce que leur auteur a cru pouvoir comprendre de la médiation.
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