La médiation au regard de la Doctrine


M. Baisset, Forum de la médiation, Montpellier, Vendredi 29 janvier 2021, http://montpellier.tribunal administratif.fr/content/download/180057/1763626/version/1/file/forum.pdf
Il y a une complémentarité entre la présence de l’avocat et celle du médié. L’avocat est chargé de rassurer le médié. Le médié parle avec ses mots, ne juridicise pas le litige. En cas de difficultés, l’avocat réinterprète et traduit en version juridique. Si l’avocat joue le jeu, alors la complémentarité est totale.

Bonafé-Schmitt, Jean-Pierre, La médiation : une autre justice, éd. Syros, 1992
Le développement de la médiation dans tous les domaines de la vie sociale traduit la remise en cause non seulement d’un système de règlement des conflits, mais aussi d’un système normatif avec la mobilisation de règles faisant appel à l’équité, à l’usage. Les structures de médiation tentent de démontrer qu’un nouvel ordonnancement social peut être construit à l’aide d’arrangements sur une base négociatoire.

Coutumes et institutions de l’Anjou et du Maine antérieures au XIV° siècle, tome quatrième
425. Si compromis est fait, et il soit fait d’icelluy compromis que si les arbitres ne se pevent acorder que ilz puissent faire médiateur, tel compromis ne vault pas si le médiateur n’estoit nommé (Liger, 270).
(Le texte peut être consulté sur Gallica.)

David-Jougneau, Maryvonne. Ulysse, médiateur ou comment sortir de la logique de la vengeance. In : Droit et société, n°29, 1995. La médiation. pp. 11-24. (À propos de la tragédie de Sophocle Ajax) www.persee.fr/doc/dreso_0769-3362_1995_num_29_1_1313
Ulysse, chez Sophocle, est présenté avec une dimension éthique dans son double rôle d'exemple de vertu et de sage-médiateur. Le médiateur contemporain n'a pas besoin d'autant de vertu : il est déjà choisi dans son rôle de tiers parce qu'il n'est pas partie prenante du conflit ... Cependant on retrouve, comme conditions de possibilité d'une telle pratique, les qualités que Sophocle a dégagées : pas de médiateur sans capacité d'empathie, forme allégée et intellectualisée de la compassion. Il n'en reste pas moins que toutes les techniques utilisées pour faire changer de position, rompre avec la logique du rapport de force pour rétablir un dialogue ont bien, a l'horizon, une dimension éthique qui consiste a désemprisonner ceux qui sont dans le conflit de leurs représentations fantasmées, les ramener a une juste appréciation du réel et les faire sortir de la logique archaïque du rapport de force qui consiste a avoir raison sur l'autre et de l'autre. Or, le médiateur ne peut y parvenir s’il n'a pas appris lui- même et s’il n'essaie pas d'initier a une pensée dialectique ceux qui sont en conflit : pensée qui se rattache consciemment ou non a une perspective d'interaction, et a une conception de l'Être et du Temps qui la rend possible. Comment mener une médiation sans être capable de saisir le Multiple dans l’Un et l’Un dans le Multiple, le Même dans l'Autre et l'Autre dans le Même ?

Fiutak, Thomas. Le médiateur dans l’arène, Éd. érès, 2011
Le médiateur est celui qui organise les forces souvent disparates à l’œuvre dans la médiation et trouve une cohérence entre ces points d’équilibre.

Hazan, Pierre. Négocier avec le diable
Que peut faire un médiateur sans être libre de rencontrer les parties ?

Huver, Emmanuelle. « Penser la médiation dans une perspective diversitaire », Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], 15-2 | 2018, mis en ligne le 02 juin 2018, consulté le 01 mai 2021. URL : http://journals.openedition.org/rdlc/2964 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rdlc.2964
L’héritage platonicien est au fondement même de la notion de médiation : l’allégorie de la Caverne repose en effet sur l’idée que nos rapports avec le monde ne sont pas immédiats, mais nécessairement médiés, notamment par le langage. Cette idée à fondement platonicien du langage comme médiateur par excellence est une idée très usuellement reprise dans les conceptualisations de la notion …

Si on considère que la médiation s’enracine dans des vécus expérientiels, la position de neutralité du médiateur n’est, irrémédiablement, plus tenable. … Son travail n’est alors pas d’être un « intermédiaire facilitateur » … mais de comprendre, à partir de sa propre projection expérientielle (de son « sentiment de la situation » – en s’impliquant, donc), que d’autres comprennent autrement et comment ils comprennent autrement – effort toujours risqué et pari jamais totalement remporté.

Grelley Pierre, « La balance, le glaive et le pendule. Pour une petite histoire de la médiation », Informations sociales, 2012/2 (n° 170), p. 6-9. DOI : 10.3917/inso.170.0006
En apparaissant d’abord comme une alternative à la justice d’État, puis en s’inscrivant dans ses institutions, la médiation a ainsi, en quelque sorte, réduit l’amplitude du mouvement de balancier qui déterminait leur antagonisme. L’apparition il y a une trentaine d’années des modes alternatifs de règlement des conflits n’a pas seulement recyclé des pratiques connues de longue date, elle leur a donné une nouvelle vie et un statut qui doit s’inscrire dans les traditions nationales.

Mirimanoff, Jean A. dir. Dictionnaire de la Médiation et d’autres modes amiables, Éd. Bruylant, 2019
Le principe d’humanité anime la médiation : « La personne humaine est au cœur de la médiation et la médiation au cœur de la personne humaine ». Les sentiments, préoccupations, motivations, émotions, valeurs, besoins et intérêts y jouent un rôle fondamental, alors qu’ils ne trouvent guère de place dans la justice orientée vers l’adjudication.

Morineau Jacqueline, 2. La médiation in L’esprit de la médiation. sous la direction de Morineau Jacqueline. Toulouse, ERES, « Trajets », 2010, p. 65-75.
URL : https://www-cairn--int-info-s.biblio-dist.ut-capitole.fr/l-esprit-de-la-mediation--9782865866588-page-65.htm

La médiation reprend ainsi un processus vieux comme le monde. La confrontation avec l’événement douloureux, injuste, est cet obstacle qui doit être rencontré pour pouvoir être dépassé. L’accueil de la souffrance est nécessaire pour pouvoir la transcender. La médiation est initiation, elle est ritualisée, c’est-à-dire qu’elle est organisée et acceptée. C’est un acte volontaire dans l’espoir d’une réparation, qui ne sera véritablement acquise que par le dépassement de nos émotions et la libération qui s’ensuit au cours de la médiation. Ainsi, la rencontre avec la demande de transformation du conflit nous amène à reconnaître la véritable dimension de la médiation.

Tabuteau, Didier-Roland, vice-président du Conseil d'État, Discours de clôture des 50 ans de médiation dans la République
À tout prendre, il vaut toujours mieux que l’administration délivre de manière satisfaisante le service public, plutôt que de prévoir des cordes de rappel, à l’instar de la médiation, qui sont utiles en particulier lorsque l’administration est défaillante.

Rognon, Frédéric, Qu’est-ce que la médiation ?. Études, , 53-64. https://www.cairn.info/revue-etudes-2016-6-page-53.htm#no5
Il est clair que la médiation est une technique profane … Et, cependant, ne peut-on reconnaître une saveur évangélique qui sourd de ce chemin de guérison relationnelle ? Alors que nos tensions interpersonnelles perdurent bien souvent parce que nous sommes persuadés que le problème est chez l’autre et la solution chez moi, la médiation conduit à cette métanoïa(« conversion ») qui revient à reconnaître qu’une fraction au moins du problème se situe en moi et qu’une bonne part de la solution se trouve dans mon ouverture à l’autre. Et ne pourrait-on aller jusqu’à discerner dans l’être même du médiateur une éthique de type paulinien puisque, sans pouvoir, il sait néanmoins que « sa force s’accomplit dans sa faiblesse » ?

Thonon, Marie. Entretiens avec Jean Caune, Bernard Darras et Antoine Hennion », MEI, 19, 2003, pp. 7-34.
http://www.mei-info.com/wp content/uploads/revue19/ilovepdf.com_split_2.pdf

Au sens juridique qu’elle a au tribunal, ou encore comme sas de décompression offert dans une rubrique isolée aux insatisfactions des lecteurs du Monde, la médiation semble certes bien éloignée de cette idée d’ouverture, d’insistance sur “ce qui se passe” par rapport à “ce qui passe”. Pourtant, même dans l’acception bien circonscrite du mot dans le cas d’un conflit, par exemple, l’idée est bien là, d’un moment pris pour sortir du face-à-face entre des positions figées à régler par un verdict, et pour entrer dans un espace moins polarisé, où arguments et plaintes de chacun en rabattent un peu, pour laisser place à la possibilité d’entendre le point de vue de l’autre, à travers la voix d’un tiers. Opposition d’a-priori, à trancher par un juge, ou tentative de dialogue, obtenu grâce au passage par un lieu, un temps et un tiers neutres : on est bien devant un glissement analogue, d’un monde peuplé de sujets et d’objets fixes et concurrents, vers un monde où les intervenants sont moins déterminés, moins sûrs de ce qu’ils veulent et de ce qu’ils sont, et plus enclins à entendre en eux ce que l’autre peut dire...



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