La troisième séance se terminait harmonieusement. Les médiés, après les orages de la première réunion, s’étaient enfin parlé calmement, voire, par moments, raisonnablement. Un accord sur le fond se traduisait par une poignée de main et des sourires. Ayant chaleureusement salué le médiateur les médiés se retrouvent dans le couloir :
- Maintenant, vois-tu, je pense ce que tu penses affirme l’un.
- Et voilà, tu recommences déjà lui reproche l’autre.
- Chou-chou, passes moi le sel.
- Tu me demandes de te passer le sel ?
- Oui, s’il te plait.
- À ton goût la soupe est fade ?
- Non, je trouve cette soupe très bonne.
- Vraiment ?
- Oui.
- Tu veux dire que cette soupe est bonne ; qu’au fond, pour toi, les autres ne l’étaient pas ?
- Pas du tout, es tu en train de t’entrainer à la reformulation ?
- Tu me demandes si je fais mes exercices de reformulation ?
- Tout à fait !
- Selon toi il convient de changer de sujet, lequel, — je recentre — est que tu n’aimes pas ma cuisine ?
- Ne te mets pas dans un tel état émotionnel. Je te demande le sel parce que j’ai renversé un peu de vin sur la nappe et que je veux lui faire boire la tache.
L’affaire avait semblé tellement délicate sur le plan technique et si humainement embrouillée que le tribunal avait désigné un collège de trois médiateurs. La deuxième séance dure maintenant depuis presque deux heures lorsqu’un médiateur se penche discrètement vers son voisin pour lui chuchoter :
- Avez vous remarqué que notre collègue est profondément endormi ?
- Ô ! C’est pour ça que vous me réveillez ?
Si au bout de cinq minutes de conversation votre interlocuteur n’a pas reformulé deux de vos phrases, ce n’est pas un médiateur.
Un médiateur chauve et chevronné introduisit sa conférence La médiation, une science expérimentale ? par ce propos : « Je connais deux types de médiateurs, ceux qui possèdent les bonnes manières de la médiation et ceux qui possèdent des cheveux. »
- Monsieur le médiateur nous sommes en conflit avec mon voisin au sujet de la haie mitoyenne entre nos deux propriétés. Je crois qu’il est d’accord pour une médiation.
- En effet ce genre de différend peut utilement permettre à des voisins d’entrer dans un processus de médiation. Processus que je me dois de vous présenter d’entrée de jeu. Une médiation c’est d’abord … (les lecteurs de cette page connaissent déjà bien le topo, il est inutile de le reprendre ici).
- Je comprend bien ce que vous me dites.
- Alors laissez moi poser une question. Pourquoi avez vous dit, à propos de votre voisin : « Je crois qu’il est d’accord » ?
- C’est que, monsieur le médiateur, de temps en temps il perd un peu la boule. Pas très souvent, pas très longtemps, mais ça arrive.
- Je vous remercie de cette précision. Je vais entrer en contact avec lui, qu’il confirme son accord à cette médiation. Pourrions dores et déjà convenir de quelques dates à lui proposer pour une première réunion ensemble.
- Oh, monsieur le médiateur je pense qu’il faut attendre.
- Attendre ?
- Qu’il perde à nouveau un peu la boule.
- Monsieur le médiateur je ne peux pas lui payer les frais de réparation de la culasse de sa mobylette. D’abord quand je la lui ai empruntée le joint était déjà fuyard.
- Vous me dites que ce n’est donc pas en raison de la course que vous avez faite que le moteur a surchauffé puisque le joint était déjà défectueux, course d’ailleurs très brève, d’après ce que vous avez expliqué ?
- D’ailleurs ce joint était impeccable.
- Vraiment ?
- D’ailleurs, il n’y avait même pas de joint entre la culasse et le bloc moteur.
- Pas de joint ?
- D’ailleurs, monsieur le médiateur, cette meule n’avait pas de culasse ; je me suis demandé comment le moteur pouvait tourner.
- Pourtant la mobylette pouvait efftivement rouler ?
- D’ailleurs cette meule je ne l’ai jamais vue. Il ne me l’a jamais prêtée.
Le médiateur se tourne alors vers l’autre médié qui réclamait la réparation de la culasse :
- Dans ces conditions qu’attendiez vous d’une médiation en venant ici ?
- Oh, c’est lui qui m’a dit de venir. Moi, je n’ai pas de mobylette.
Ce célèbre médiateur, plus à l’aise dans les amphis de facs et les conférences internationales que dans une bulle de médiation - mais très célèbre - affirme, lors d’un colloque :
« La médiation est une roue. »
Quelques temps plus tard au cours d’une réunion d’analyse de pratique l’un de ses auditeurs cite le conférencier et sa définition. L’animateur, un médiateur praticien expérimenté, réfléchit un moment et, sans doute moins fiutakien que son confère, déclare :
« La médiation n’est pas une roue. »
Tout joyeux de pouvoir prendre son conférencier en défaut l’auditeur lui rapporte les propos de l’animateur. Le célèbre médiateur réfléchit un instant et déclare « On peut aussi le dire comme ça. »
À la fin d’une séance les deux co-médiateurs font l’analyse de leur pratique lorsque Dieu souhaite intervenir. Eux de lui demander :
- Qu’est ce que tu pourrais dire ? Tu n’as pas accès à la bulle de médiation!
Plus je conduis de médiations, plus j'apprécie mon poisson rouge.
Combien faut-il de médiateurs pour médier une ampoule cassée et l’ampoule neuve?
- Un pour recueillir le consentement des ampoules ;
- Un pour préparer la convention de médiation ;
- Deux pour expliquer que le médiateur désigné ne peut agir puisqu’il était absent lors de la dernière réunion d’APP ; au demeurant, eux sont disponibles ;
- Cinq (de la même association que le médiateur désigné) qui soulignent que la séance d’APP n’est pas obligatoire, que leur collègue reste donc parfaitement habilité ;
- Un pour soutenir qu’il est nécessaire d’appeler dans la bulle de médiation le culot de l’ampoule et le filament ;
- Un pour recueillir le consentement du filament ;
- Un pour suggérer aux médiés de faire appel à un expert pour déterminer si un excès de courant électrique serait — ou non — la cause de la rupture du filament ;
- Un pour appeler à la médiation le courant porteur.
- Un pour observer que tant que l’ampoule n’aura pas été changée la bulle de médiation restera dans l’obscurité totale ;
- Un qui a calculé que la roue de Fiutak, lancée à 2.000 tours minutes produirait une énergie suffisante pour alimenter l’ampoule ;
- Un pour ironiser : « Même grillée? »
- Un pour conseiller de ne pas utiliser le mot « grillé » pour désigner une ampoule cassée ;
- Un pour s’énerver : « Mais bon dieu, qu’on la change cette ampoule ! »
- Sept pour rappeler que le principe de neutralité s’oppose absolument à l’emploi de l’expression « bon dieu.»
- Chou-chou, j’ai froid. prends moi dans tes bras.
- Je suis médiateur, pas radiateur.
- Chou-chou j’en ai envie ; Allez, on s’envoie en l’air.
- Je suis médiateur, pas aviateur.
- Oh ! Chou-chou, s’teplait ! Un petit corps à corps.
- Je suis médiateur, pas gladiateur.
La médiation est elle soluble
dans le witz ?